Glossaire de sémiotique

Pascal Vaillant
Mél : 


Note :  Ce glossaire a été publié au sein de l'ouvrage Sémiotique des langages d'icônes. Il est reproduit sur la Toile avec l'autorisation de l'éditeur.

Définitions


Actant (nm)

Unité intervenant dans un contexte donné pour compléter le sens d'un prédicat, et y jouer un rôle donné (agent, patient, objet ...). Une unité n'est pas un actant par nature ; elle le devient fonctionnellement dans des occurrences précises.

Afférence (nf)

Actualisation, par le contexte, d'un sème qui n'est pas présent « par définition » dans une unité sémiotique (sémème) donnée. Rastier, qui a analysé en détail (1987, chap. II, §3) le fonctionnement de l'afférence, a pu proposer cette caractérisation plus précise : si les sèmes inhérents à une unité sémantique donnée sont des sèmes qui définissent des oppositions fondamentales entre cette unité sémantique et des unités comparables du même taxème, antonymes ou parasynonymes (par exemple /domestique/ qui définit `chien' par opposition à `loup'), les sèmes afférents, au contraire, ne sont des oppositions définitoires que dans d'autres taxèmes - et c'est par une présupposition, plus ou moins généralement reçue, qu'ils sont transférés à l'unité sémantique en question (ainsi, dans les fables, /asservi/ qui s'applique plutôt à `chien' et /libre/ plutôt à `loup').

L'afférence, n'étant pas contenue obligatoirement dans le sémème lui-même, est déclenchée par des interprétants contextuels. Elle est donc la compétence entrant en jeu lors de l'interprétation des textes, et qui permet au lecteur de recevoir dans ceux-ci un sens autre que le « sens commun » implicitement contenu dans l'organisation même des taxèmes de la langue. Naturellement, le caractère afférent d'un sème dépend de son époque et du type de texte dans lequel il est utilisé.

Analyse (nf)

1. Procédé par lequel, en comparant les textes d'un corpus, le sémiologue peut identifier les unités d'un système de signes et leurs règles de combinaison. C'est l'opération sur laquelle se fonde toute sémiologie empirique. Les fondements théoriques en ont été décrits par Hjelmslev (1968).

2. Processus par lequel un ordinateur convenablement « informé » sur un système de signes donné peut, à partir d'un texte de ce système de signes, construire une représentation symbolique formelle de son sens. Ce processus peut être réalisé, selon les besoins, par diverses techniques algorithmiques.

Articulation (nf)

La notion de double articulation, fondamentale pour la compréhension du fonctionnement des langues humaines, est bien exposée par Martinet (1960, §1-8 et §1-11 en particulier). La première articulation du langage est l'articulation des textes en signes : chaque locuteur peut grâce à elle exprimer des idées nouvelles en recomposant des éléments connus. La seconde articulation est l'articulation des signes - ou pour restreindre la définition aux signes minimaux, des monèmes -, en phonèmes. Cette seconde articulation crée la combinatoire de la langue : elle rend possible, grâce à un petit nombre d'unités phonologiques minimales (de l'ordre de trente dans la plupart des langues humaines, à quoi s'ajoutent dans certaines langues les variations rendues possibles par deux à sept tons syllabiques), de créer un nombre virtuellement infini de combinaisons signifiantes. Elle « libère » ce faisant le signe linguistique en le rendant arbitraire : « dans une langue où, à chaque mot, correspondrait un grognement particulier et inanalysable, rien n'empêcherait les gens de modifier ce grognement dans le sens où il paraîtrait à chacun d'entre eux qu'il est plus descriptif de l'objet désigné (...) » (Martinet, 1960, p. 18).

Nous avons cherché (1999, chap. 2), à montrer que cette notion de seconde articulation pouvait se transposer à d'autres systèmes que les langues, à condition de tenir compte du point essentiel de sa définition (l'économie reposant sur un jeu restreint d'unités minimales), et d'admettre que celui-ci pouvait se réaliser par d'autres opérations que la mise en chaîne.

Auteur (nm)

Personne créant ou ayant créé un texte au sein d'une pratique culturelle donnée. Sens généralisé ici à tous les utilisateurs créatifs de systèmes de signes, et non pas réservé aux auteurs de textes de la modalité ``langue écrite''.

Caractère (nm)

Les figures d'un système de signes se distinguent entre elles par la présence ou l'absence de certains caractères pertinents, qui correspondent à des réalités physiques perceptibles (le voisement qui distingue le phonème v du phonème f [en français], la petite barre oblique qui distingue la lettre Q de la lettre O ...). Si l'on étudie, comme l'a fait Meunier (1988), la manière dont ces caractères se combinent, on constate qu'ils le font suivant des règles et des opérations bien précises, mais différentes de la concaténation (ou mise en syntagme) qui préside à l'assemblage des figures et des signes. Il est donc utile de bien distinguer le caractère, élément minimal de reconnaissance du signifiant, de la figure, segment minimal du texte, par ce que les caractères peuvent être concomitants relativement à la dimension de déroulement du texte (espace extérieur), alors que les figures y sont par définition successives.

Classème (nm)

Sème contextuel, selon Greimas (1966), qui émerge de l'ensemble d'un énoncé au « niveau sémantique » du langage (cf. sémiologique).

Contenu (nm)

Dans la théorie du langage de Hjelmslev, le contenu est le second terme de la fonction sémiotique : celui qui correspond au signifié saussurien (cf. signe). Un contenu se définit toujours en relation avec l'expression correspondante.

Corpus (nm)

Ensemble de textes utilisés par le sémiologue pour établir la connaissance d'un système de signes donné (c'est-à-dire pour recenser les unités, les catégories, et les règles de combinaison régissant la formation de ces textes).

Diachronie (nf)

Étude de l'évolution de la langue dans le temps (dans le long terme, pas dans des intervalles de temps du même ordre de grandeur que ceux des énoncés). La linguistique diachronique s'occupe de retrouver et d'identifier, à travers plusieurs strates temporelles successives, des éléments du système en évolution : comme de reconnaître dans un phonème actuel l'évolution d'un phonème plus ancien (phonologie historique), d'étudier la perte ou l'acquisition de temps verbaux, de types de flexion, de constructions prépositionnelles (grammaire historique), ou de décrire l'évolution de la valeur de certains mots (sémantique historique).

La diachronie s'oppose à la synchronie, selon la distinction traditionnelle opérée par Saussure (1916, première partie, chap. 3).

Domaine (nm)

Vaste portion de contenu sémiotique regroupant des connaissances homogènes (domaine de la cuisine, de la zoologie, des techniques ferroviaires ...). Le concept de domaine trouve bien entendu son utilité dans les systèmes de signes non-spécialisés (comme la langue, ou les langages d'idéogrammes généraux comme BLISS.)

Doxa (nf)

Ensemble des connaissances reçues, connues par habitude de tous les utilisateurs d'un système de signes. Elles peuvent tout en restant implicites entrer dans le processus d'interprétation des textes.

Entaxe (nf)

Si la syntaxe recouvre les opérations d'assemblage des figures et des signes le long de l'espace extérieur d'un système de signes, il faut un mot pour désigner le système des opérations permettant d'assembler les caractères à l'intérieur des figures : c'est l'entaxe. L'entaxe préside par exemple à la combinaison des traits, des points et des arcs de cercle qui composent une lettre ou un idéogramme. L'entaxe étend son emprise sur l'espace intérieur, la syntaxe sur l'espace extérieur.

L'entaxe peut comme la syntaxe jouer un rôle sémiotique, dans la mesure où dans certains systèmes de signes, des caractères peuvent eux-même être signifiants (en particulier dans les systèmes idéographiques).

Espace (nm) extérieur

Les systèmes sémiotiques ouverts comme les langues offrent la possibilité d'assembler des signes pour former des textes. Ils doivent pour cela disposer d'une certaine extension sur laquelle déployer ces signes, et sur laquelle ces signes seront lus. Nous appelons cette extension l'espace syntagmatique, ou espace extérieur du système de signes. Cet espace dépend de la modalité sémiotique : il s'agit du temps pour la langue parlée, de la dimension de la ligne pour la langue écrite, des deux dimensions de la page pour les images, etc. Nous le nommons ici espace extérieur par opposition à un second espace, l'espace intérieur des figures signifiantes, sur lequel peuvent se disposer, dans certaines modalités sémiotiques, des caractères élémentaires de reconnaissance.

Espace (nm) intérieur

Espace d'assemblage des caractères pour former des figures. Il se distingue de l'espace extérieur, qui est l'espace d'assemblage des signes pour former des textes. Ainsi, dans le cas de la langue parlée, les caractères (les traits phonologiques) se combinent-ils sur un espace intérieur qui se déploie sur la dimension du spectre de fréquence des sons : ces caractères auront comme corrélats physiques, sur cette dimension, des formants vocaliques et des enveloppes consonantiques ; les figures, au contraire (les phonèmes) se combinent sur l'espace extérieur qui se déploie sur la dimension du temps. Ou encore, dans le cas de la langue écrite, l'espace intérieur est bidimensionnel (le dessin de la lettre se reconnaît sur le petit rectangle dans lequel elle est inscrite), alors que l'espace extérieur est unidimensionnel (la ligne d'écriture).

Expression (nf)

Dans la théorie du langage de Hjelmslev, l'expression est l'un des deux termes de la fonction sémiotique : celui qui correspond au signifiant saussurien (cf. signe). Il ne se définit que comme terme de cette fonction, et n'a pas d'existence indépendante (« une expression n'est expression que parce qu'elle est l'expression d'un contenu »). D'une manière générale, les langages selon Hjelmslev se caractérisent par leur structure biplane : ils mettent en relation un plan de l'expression et un plan du contenu qui ne sont pas isomorphes.

Extrinsèque (adj) [sème -]

Certaines unités sémantiques peuvent contracter avec d'autres des relations de prédication, c'est-à-dire laisser compléter une partie de leur sens par des unités distinctes d'elles-mêmes par leur signifiant. Ainsi le type de procès appelé action présuppose-t-il l'intervention d'un agent1, qui peut être, en langue, implicite (l'allumage du réverbère ou on allume le réverbère) ou explicite (l'employé allume le réverbère ou l'allumage du réverbère par l'employé). Ce phénomène par lequel une unité sémiotique se laisse compléter2 en créant un certain nombre de relations typées avec d'autres unités, est central dans les système de signes comme la langue, auxquels il permet de combiner les signifiés - sans quoi les messages ne seraient que des collections de signes indépendants et isolés. Les unités prédicatives prescrivent ainsi une partie des sèmes que doivent présenter leurs actants : ainsi manger attend-il un agent animé, et un objet inanimé. Les sèmes que ces unités distribuent sur les rôles actanciels qu'ils présupposent sont appelés sèmes extrinsèques. La nature de cette « attente » que le prédicat impose à ses actants est selon Hjelmslev (qui décrit le phénomène sous le nom de catalyse : (1968, chap. 19), une interpolation de fonctifs prévisibles par la connaissance des fonctions concernées.

L'utilité de la notion de sème extrinsèque est contestée par Rastier (1987, p. 75), qui prétend réduire le phénomène à une construction d'isotopie combinant des traits dits sémantiques et des traits dits syntaxiques - ces derniers jouant le rôle du typage de la relation actancielle ; nous rencontrons cependant en pratique le besoin incontournable de typer les relations entre sémèmes, c'est-à-dire si l'on préfère, au minimum, d'être capable de dire quel sème ``sémantique'' se solidarise systématiquement de quel sème ``syntaxique'' (du type /ergatif/ ou /accusatif/). La notion de sème extrinsèque apparaît donc comme un élément obligatoire dans une sémiotique ayant pour but de décrire les aspects inhérents des relations entre sémèmes.

Figure (nf)

Segment distinctif d'un texte, dans un système de signes donné. Les figures ne correspondent pas forcément à des signes, et l'unité signifiante ne peut émerger qu'au bout de l'assemblage de plusieurs figures (c'est le cas des langues en général). L'ensemble des figures minimales d'un système de signes forme un système : celui des phonèmes dans le cas de la langue parlée, celui des graphèmes dans le cas de la langue écrite ... Ce système peut lui-même trouver une décomposition combinatoire en éléments distinctifs plus « atomiques » encore que les figures : les caractères (les traits phonologiques, par exemple, dans le cas de la langue parlée), mais il ne s'agit plus alors de segments de texte : la figure est donc l'unité minimale sur l'espace extérieur.

Fondement (nm)

Selon Peirce, le fondement d'un signe est la cause de l'identification du représentamen en tant que signe de son objet : l'ensemble des motifs qui font que ce représentamen est reconnu comme tel, et pas comme signe d'autre chose, voire simple objet ne renvoyant à rien. Cette définition n'a heureusement pas souvent l'occasion d'être précisée plus avant.

Forme (nf)

Saussure (1916), à l'aide d'une célèbre analogie entre le signifiant et le signifié linguistique d'une part, et le recto et le verso d'une feuille de papier d'autre part, faisait remarquer que « cette combinaison produit une forme, non une substance. » Hjelmslev (1968) a souhaité pousser plus avant cette distinction, en commençant par remarquer en particulier que rien ne prouvait que la substance de l'expression ou celle du contenu - que Saussure présentait pour faire comprendre ces notions comme une « substance phonique » pure, et une « nébuleuse [de la] pensée » - eussent une existence indépendante « avant » leur participation au signe. Pour Hjelmslev, la substance d'un segment dépend exclusivement de sa forme. Elle s'en distingue cependant par ce fait essentiel qu'elle est en-dehors de la langue, alors que la forme est entièrement en-dedans : chaque langue établit ses propres unités, au niveau de l'expression (phonèmes) ou au niveau du contenu (sémèmes), et ce sont ces unités seules qui peuvent être manifestées dans le discours, indépendamment d'une quelconque réalité acoustique ou psychologique.

Génération (nf)

Processus par lequel l'esprit (ou un ordinateur) passe d'une représentation mentale ou conceptuelle à un texte d'un système sémiotique défini. Le mot désigne en général une technique algorithmique mise en oeuvre sur un ordinateur, car la génération comme processus mental est difficile à connaître (bien qu'on puisse en cerner certains aspects par l'étude des troubles du langage).

Gestalt (nf)

Forme familière reconnue en premier lieu lors d'une saisie perceptive. Les travaux de l'école de Gestaltpsychologie, dès les années 20, ont montré l'importance de la reconnaissance de formes globales dans les phénomènes perceptifs - reconnaissance qui prime l'analyse en constituants plus fins. Ces travaux ont également mis en évidence les caractères des formes primitives reconnues par la vision humaine, et ont précisé les règles de « prégnance » de ces formes.

Le rôle des Gestalten dans la reconnaissance des objets de l'expérience permet de reproduire de façon simplifiée les conditions de reconnaissance de ces objets lorsque l'on veut en faire une représentation : ainsi peut-on faire reconnaître un visage humain, en esquissant les contours de la tête, de la bouche, des yeux. Ce principe est au centre du phénomène d'iconicité.

Glossème (nm)

Caractère de la langue, selon Hjelmslev (1968).

Graphème (nm)

Figure de la langue écrite.

Graphique (adj)

D'une manière générale, se dit de tout signe visuel qui est gravé, écrit, ou imprimé sur un support fixe (gráphein veut dire à la fois écrire et dessiner). En réalité, s'oppose souvent, dans le langage courant, à langue écrite (on parle de « texte accompagné de graphiques ») ; et s'oppose de façon plus spécialisée, chez Bertin (1967), à iconique : ce qui est graphique, c'est le diagramme, la représentation continue et isomorphe d'un ensemble de paramètres chiffrables bien déterminés, et pas le dessin d'un cheval ou d'une usine.

Herméneutique (adj)

Qui concerne les processus de détection ou d'utilisation des interprétants, c'est-à-dire des éléments de contexte, intra-textuel ou extra-textuel, permettant de donner une interprétation à un segment de texte. Nous parlerons par exemple de réseau herméneutique pour l'ensemble du contexte culturel permettant d'interpréter un texte (les interprétants « directs » faisant à leur tour appel à d'autres interprétants, etc. : cf. aussi Intertextualité). Chez Rastier (1994), l'ordre herméneutique est l'un des quatre ordres de la sémantique des textes (avec l'ordre syntagmatique, l'ordre paradigmatique et l'ordre référentiel) : c'est celui des conditions de production et d'interprétation des textes. Il comprend par exemple les phénomènes d'interprétation en fonction de la situation, que l'usage fait relever de la pragmatique.

Icône (nf)

'Eik'ôn n'est à l'origine que l'un des mots grecs que l'on peut traduire par « image ». Passé en latin et dans les langues occidentales, il n'en garde que le sens d'emprunt, celui de représentation dans l'art pictural byzantin (le latin ayant son propre mot, imago, pour l'image). Peirce en refonde le sens au siècle dernier en proposant d'appeler icônes les signes primaires, et plus généralement signes iconiques les signes qui renvoient à leur objet, c'est-à-dire à leur référence, par une ressemblance du signifiant avec celui-ci (se distinguant en cela des indices et des symboles). Une définition intuitive de l'icône comme signe « similaire » à ce qu'il dénote est d'ailleurs formulée par Morris :

Un signe est iconique dans la mesure où il a lui-même les propriétés de ses denotata ; autrement il est non-iconique (1946, p. 23). Un signe iconique, rappelons-le, est tout signe qui est similaire par certains aspects à ce qu'il dénote. (ibid., p. 191).

La ressemblance est une notion discutable, mais en s'appuyant sur les travaux d'auteurs comme Eco (1968) ou le Groupe µ (1992), on peut comprendre la spécificité de l'icône et la définir comme le texte (plutôt que le signe) d'un système qui organise le sens principalement autour de Gestalten d'origine perceptive.

Iconème (nm)

Unité de seconde articulation des signes iconiques, selon Lindekens (1970).

Iconicité (nf)

Rapport entre un signe et un objet qu'il représente, tel que le premier est perçu comme « ressemblant » d'une certaine manière au second. L'iconicité est recherchée comme un principe pouvant éventuellement permettre la communication sans convention préalable (au contraire du signe linguistique, arbitraire par excellence). Voir Icône.

Idéogramme (nm)

Figure de la langue écrite qui à elle seule constitue un signe, c'est-à-dire est déjà dotée d'une signification (s'oppose à la lettre de l'écriture alphabétique, qui la plupart du temps ne constitue pas un signe à elle toute seule).

Image (nf)

1. L'image est, dans l'acception courante, une représentation matérielle d'un être ou d'une chose. C'est donc un terme qui recouvre un vaste ensemble de genres, du dessin au trait à la photographie, et qui s'applique d'ailleurs aussi bien à la sculpture (tridimensionnelle). Nous utilisons ici ce mot pour désigner les systèmes de signes qui (a) ont un espace extérieur à (au moins) deux dimensions, et (b) dont les figures sont microscopiques, et non macroscopiques. Nous suggérons (1999, chap. 3) que ces deux éléments essentiels peuvent recouvrir le grand nombre de genres correspondant à l'emploi habituel du mot image, mais qu'en outre ils permettent de comprendre les caractéristiques fondamentales qui distinguent ces genres des systèmes de signes « combinatoires » comme la langue : le sens y naît non pas d'un assemblage de figures déterminant une clé du lexique, mais de formes perçues globalement (les Gestalten). Le distinguo persistant entre image et icône se réduit alors à une question de réalisme.

2. Dans la sémiotique de Peirce, l'image est l'un des trois types d'icônes (c'est-à-dire de signes qui ressemblent à leur objet) : les images sont des qualités pures, et ne représentent par conséquent que des qualités pures. Elles s'opposent aux diagrammes, qui représentent des relations par d'autres relations isomorphes, et aux métaphores, qui représentent par le truchement d'un symbole tiers, présentant lui-même un parallélisme avec le référent considéré (cf. Deledalle in [Peirce, 1978], p. 233).

Indice (nm)

Chez Peirce, l'indice se définit par opposition à l'icône et au symbole, dont il se distingue par la nature de la relation entre le représentamen et l'objet auquel il réfère : si l'icône ressemble à son objet (similarité brute de l'être), et si le symbole y renvoie en vertu d'une loi (conventionalité), l'indice, lui, présente une contiguïté existentielle avec son objet : l'un et l'autre sont des phénomènes liés dans l'univers physique (rapport de cause à effet, de partie à tout ...). L'indice ressemble donc plus au symptôme qu'au symbole.

Interprétant (nm)

1. Indice guidant le lecteur d'un texte quelconque à actualiser certains sèmes afférents (cf. Afférence) et pas d'autres, et éventuellement même à virtualiser certains sèmes inhérents. Cet indice peut relever d'une doxa générale, ou dériver plus spécifiquement de la situation de communication ou du contexte textuel proprement dit. Par exemple, la connaissance du meurtre perpétré par Rodrigue est un interprétant de la phrase de Chimène « je ne te hais point » (phrase autrement banale).

2. Selon Peirce, l'interprétant est le ``quelque chose'' auprès de quoi le représentamen tient lieu d'un certain objet. Peirce laisse volontairement cette notion dans l'ombre (il ne veut pas préciser s'il s'agit d'un individu, d'une pensée, ou d'un autre signe d'une autre nature que le premier), ce qui permet aux exégètes de l'interpréter à leur convenance.

Intertextualité (nf)

Au sens strict, il y a intertextualité lorsqu'un texte réfère à un autre texte, en le citant, en le plagiant, en y faisant allusion ; « l'intertextualité est donc le mouvement par lequel un texte récrit un autre texte, et l'intertexte l'ensemble des textes qu'une oeuvre répercute » (Piégay-Gros, 1996, p. 7). L'étude de l'intertextualité se rattache ainsi classiquement à la poétique ou à la critique littéraire. La conception des systèmes de signes exposée ici autorise cependant à donner à l'intertextualité un rôle plus large, couvrant un continuum qui va de la réutilisation de lexies plus ou moins complexes à la copie intégrale (celle de Pierre Ménard auteur du Quichotte de Borges), en passant par l'utilisation de proverbes et de dictons, et par la composition de poèmes à partir d'extraits de procédures judiciaires (comme dans Testimony : The United States 1885-1915, de Reznikoff).

Laissons à ce propos la parole à Barthes : « Le texte redistribue la langue (il est le champ de cette redistribution). L'une des voies de cette déconstruction-reconstruction est de permuter des textes, des lambeaux de textes qui ont existé ou existent autour du texte considéré, et finalement en lui : tout texte est un intertexte ; d'autres textes sont présents en lui, à des niveaux variables, sous des formes plus ou moins reconnaissables : les textes de la culture antérieure et ceux de la culture environnante ; tout texte est un tissu nouveau de citations révolues. » (Barthes, 1968).

Dans cette vision, l'intertextualité est d'une certaine manière le principe dynamique fondamental de toute sémiotique, celui qui permet de dire des choses neuves avec des éléments anciens. Chaque lecteur, confronté à un nouveau texte, convoque son propre contexte de lecture intertextuel (l'anagnose selon Thlivitis [1998]) afin de créer le sens. Soulignons enfin que si l'on parle le plus souvent d'intertextualité à propos de la langue, rien n'interdit d'envisager des formes d'intertextualité dans d'autres sémiotiques, ou transsémiotiques.

Intrinsèque (adj) [sème -]

Sème caractérisant l'unité sémiotique elle-même, indépendamment de relations sémantiques typées avec des éléments de son contexte (le sème intrinsèque s'oppose au sème extrinsèque). Les sèmes intrinsèques n'appellent pas a priori de confirmation ou d'infirmation contextuelle.

Isotopie (nf)

Récurrence de sèmes identifiables dans plusieurs signes du même texte. L'isotopie a fait l'objet d'un ouvrage (Rastier, 1987), où il est montré que ces occurrences multiples d'un même sème constituent autant d'indices qui, se renforçant mutuellement, guident le lecteur vers une interprétation convergente. Ce processus n'est pas marginal dans la langue, mais est à la base de la faculté de lecture. Nous avons souhaité émettre l'idée que ce rôle de l'isotopie est encore plus fondamental dans les sémiotiques visuelles (l'auteur, 1999, chap. 3, §3.4.2).

Langue (nf)

Si le langage désigne la faculté humaine générale de construire des messages en assemblant des signes, la langue, elle, est un système particulier prescrivant les mots et leurs règles d'assemblage. On parle d'ailleurs toujours du langage, mais des langues3.

La langue, selon la conception moderne introduite par Saussure, est donc une institution sociale. Elle constitue un système qui s'impose à ceux qui la parlent : chaque langue définit les signifiants qui doivent être employés pour être identifiés comme éléments de ce système, les signifiés avec leur valeur par rapport aux autres, les règles de composition des mots et des syntagmes entre eux ... et si l'on sait que toutes les langues évoluent, tous ces éléments du système sont néanmoins prescrits, à une époque donnée (en synchronie) à celui qui veut s'en servir. La langue, comme système, s'oppose ainsi à la parole, qui est l'usage, toujours individuel, qui en est fait.

Afin de pouvoir généraliser l'opposition saussurienne entre langue et parole à des modalités non-linguistiques, nous substituons à ces termes les notions de sémiotique générale de système de signes et de textes. Et nous définissons alors plus précisément la langue comme un système de signes à double articulation, à espace syntagmatique extérieur unidimensionnel. Ces propriétés définitoires permettent à la langue d'exprimer avec une grande économie de moyens tous les sens concevables (cf. dans ce glossaire, article Articulation), de faire porter n'importe quel prédicat sur n'importe quel sujet, c'est-à-dire de manipuler le sens à volonté. Le terme langue est habituellement réservé aux systèmes de signes verbaux, traditionnellement appelés langage articulé, mais il nous semble tout à fait légitime de l'appliquer également aux autres systèmes de signes présentant les mêmes propriétés, en particulier la langue des signes.

Lecteur (nm)

Personne percevant et interpétant un texte créé par un auteur. Sens généralisé ici à toutes les personnes confrontées à un ensemble de signes ou de messages de nature quelconque, et recourant à leur connaissance d'un certain système de signes pour le comprendre, et non pas réservé aux lecteurs de textes de la modalité ``langue écrite''.

Lieu (nm) de seconde articulation

Espace opératoire sur lequel les unités de seconde articulation d'un système de signes se combinent pour donner les premières unités signifiantes. Il se confond, dans le cas de la langue, avec l'espace extérieur (les figures sont les unités de seconde articulation, et l'opération de concaténation, par laquelle elles s'assemblent pour donner des signes, est encore celle qui est mise en oeuvre pour assembler les signes en syntagmes). Il peut exister en revanche des systèmes de signes où le lieu de seconde articulation est l'espace intérieur. Ainsi les systèmes idéographiques, où les figures (les idéogrammes), insécables sur l'espace extérieur, peuvent encore se laisser décomposer sur l'espace intérieur.

Modalité (nf) [sémiotique]

Caractéristique d'une classe de systèmes de signes utilisant le même canal sensoriel, mais possédant également en commun l'espace extérieur (espace syntagmatique), l'espace intérieur (espace où se constituent les figures), et le lieu de seconde articulation (lieu des assemblages de caractères ou de figures dans lesquels émerge le sens). On peut ainsi considérer que les différentes langues orales relèvent de la même modalité, mais naturellement pas les langues orales et les langues écrites ; que les différentes langues écrites avec des systèmes alphabétiques relèvent de la même modalité, et que les langues écrites avec des idéogrammes en relèvent d'une autre. Dans le domaine de l'image, on peut également distinguer le croquis dessiné au trait (où les figures sont des lignes, des points, des courbes géométriques) de l'image photographique, par exemple, où les figures sont des grains d'égale dimension variant par leur intensité lumineuse et leur couleur.

Un système de signes peut également comporter des éléments relevant de modalités distinctes (comme le texte illustré de dessins ou de tableaux, par exemple). Il relève alors lui-même d'une modalité complexe, et l'on parle, pour les modalités des éléments hétérogènes contenus dans le texte de ce système de signes complexe, de modalités subordonnées. Une modalité qui n'est pas complexe est une modalité élémentaire.

Monème (nm)

Signe minimal de la langue, selon Martinet (1960). On peut également les appeler des morphèmes, bien que ce terme soit réservé par certains auteurs aux segments dits « grammaticaux ».

Multimodal (adj)

Un système de signes multimodal est un système dont les figures s'articulent en caractères relevant eux-mêmes de modalités différentes. Ces caractères, isolés, peuvent constituer de véritables textes dans une modalité subordonnée (ainsi les textes présents dans les bulles de la bande dessinée, qui sont des caractères à l'échelle de la B.D., mais des textes à l'échelle linguistique).

Objet (nm)

Dans la terminologie de Peirce, l'objet d'un signe est sa référence, donc l'objet ou l'état du monde réel dont il tient lieu.

Paradigmatique (adj)

Si les signes de la langue se combinent en syntagmes sur le plan de l'expression, c'est-à-dire dans ce que Saussure (1916, 2ème partie, chap. V et VI) appelle l'axe syntagmatique, et si ces combinaisons sont identifiables en tant que telles, c'est parce que chacun des éléments de l'axe syntagmatique prend place dans une classe d'éléments qui pourraient virtuellement se substituer à lui : un paradigme. Ainsi, pour reprendre l'exemple de Saussure, si les morphèmes dé- et -faire sont identifiables séparément dans défaire, c'est grâce à l'existence d'autres formes contenant l'un des deux sans l'autre, comme décoller ou découdre d'une part, comme faire, refaire ou contrefaire d'autre part. La dimension paradigmatique du langage, celle donc où se déploient les paradigmes, s'oppose à la dimension syntagmatique en ce qu'elle n'est pas actualisée dans le procès de la parole : les deux dimensions sont orthogonales, et un paradigme n'est classiquement projeté dans un texte qu'en une position précise et par un seul de ses éléments - sauf dans une figure comme l'énumération. L'opposition syntagmatique/paradigmatique s'est imposée depuis Saussure dans toutes les conceptions structurales de la langue, et son pouvoir explicatif s'étend à plusieurs niveaux : phonologique, syntaxique, sémantique. En sémantique, la dimension paradigmatique a une importance particulière puisque c'est sur elle que se définit la valeur de chaque signe, par opposition avec ses parasynonymes, ses antonymes ...

Rastier (1994) suggère que l'ensemble des phénomènes sémantiques peut être décrit sur quatre ordres : syntagmatique, paradigmatique, référentiel et herméneutique.

Parole (nf)

Selon Saussure (1916, Introduction, chap. III), la parole est l'acte individuel du sujet parlant, qui utilise le code de la langue pour manifester une pensée au moyen de mécanismes psycho-physiques. En synchronie, la parole est sujette à la langue, car aucun locuteur ne peut se permettre d'ignorer les lois de celle-ci (autrement il ne se ferait pas comprendre). En diachronie en revanche, la parole conditionne la langue : ce sont en effet les accumulations d'innovations individuelles, nées dans la parole et basculant à la longue dans l'usage commun, qui font évoluer le système entier. C'est ce qui permet à Saussure de définir la langue comme « un trésor déposé par la pratique de la parole dans les sujets appartenant à une même communauté, un système grammatical existant virtuellement dans chaque cerveau, ou plus exactement dans les cerveaux d'un ensemble d'individus ; car la langue n'est complète dans aucun, elle n'existe parfaitement que dans la masse. » (ibid.)

Une difficulté de l'extension de cette interdépendance si caractéristique entre langue et parole à la sémiologie est, comme l'a justement souligné Barthes (1985, §I.2.6), liée au fait que dans beaucoup de systèmes de signes non-linguistiques, il n'y a pas véritablement de masse parlante homogène, mais plutôt une masse réceptrice, uniquement passive, d'un côté, et un groupe créateur et normalisateur, plus ou moins élitiste, de l'autre. Cette difficulté se retrouve très exactement dans les langages d'icônes qui sont notre objet d'étude (l'auteur, 1999, chap. 5).

Phonème (nm)

Figure de la langue parlée. Suivant la définition aussi concise que complète de Ducrot & Todorov :

Un phonème est un segment phonique qui : (a) a une fonction distinctive, (b) est impossible à décomposer en une succession de segments dont chacun possède une telle fonction, (c) n'est défini que par les caractères qui, en lui, ont valeur distinctive, caractères que les phonologues appellent pertinents [...] (1972, p. 221)

Le point (a) exprime le fait que le phonème est une figure, au sens de notre définition. Le (b) exprime le fait qu'il s'agit de la figure minimale. Le (c) exprime le fait que les phonèmes d'une langue forment système, et que seules les oppositions systémiques définissent la frontière entre un phonème et un autre, au mépris des variantes libres ou contextuelles.

Pictogramme (nf)

Idéogramme iconique, c'est-à-dire figure signifiante d'un système d'écriture qui représente graphiquement l'objet auquel elle renvoie.

Prédicat (nm)

Unité dont le sens doit normalement être complété par d'autres unités présentes dans le contexte, appelées actants - Chaque actant jouant un rôle déterminé par rapport au prédicat. Une unité est prédicative par nature.

Référence (nf)

La référence d'un mot, d'un syntagme est l'être ou l'état de choses que veut évoquer ce mot ou ce syntagme. Cette nuance doit sa formulation moderne à Frege (1892) (qui a distingué le sens [Sinn] de la référence ou dénotation [Bedeutung]).

La référence pose le problème de l'ancrage de la langue à la réalité, et plus généralement le problème du réalisme : c'est ainsi que la question de la calvitie du présent roi de France préoccupe exagérément les sémanticiens qui veulent fonder le sens sur une théorie de la référence, en cherchant les « conditions de dénotation » de chaque mot. Eco, reprenant d'ailleurs cette question, répond à une intéressante objection (formulée intérieurement, ou par un interlocuteur resté anonyme) en disant que s'il désignait par « voici le roi de France » le président de la république française, il ne ferait pas autrement que s'il montrait un chien en disant « ceci est un chat ». Les articles de journaux français attestent pourtant au contraire que « le roi de France » peut parfois effectivement référer au président de la république et être compris ainsi ; alors que pour d'autres personnes en d'autres contextes (il existe encore des royalistes sincères), la même expression peut faire référence à un héritier de l'ancienne dynastie capétienne. Il semble en réalité que la tâche de ramener tous les sens à une fonction référentielle soit inépuisable.

Notons donc pour notre part les axiomes suivants : (a) un signe peut référer (à un objet réel ou pensé), et cette possibilité est capitale car elle fait de la langue autre chose qu'un simple jeu : c'est grâce à elle que « le langage sort de lui-même ; la référence marque la transcendance du langage à lui-même » (Ricoeur, 1975, p. 97) ; mais (b) un signe ne doit pas forcément référer ; et surtout (c) la référence n'est pas le sens ; le sens est descriptible par la sémantique du système sémiotique utilisé, la référence est une question extra-sémiotique dont on peut discuter par ailleurs. Et pour ce qui est du sens, il existe une différence entre « Je suis un vieux boudoir plein de roses fanées » et « Je me sens vieux et plutôt fatigué »4.

Référentiel (adj)

Les textes de n'importe quel système de signes ont la possibilité de « renvoyer » à quelque chose, de « faire penser » à quelque chose ... bref de décrire certains expériences de pensée ou de perception : le langage est même a priori fait pour cela. Les manières de rendre compte de cette réalité divergent, allant de l'objectivisme dogmatique de Fodor (1975), pour qui les unités du langage de la pensée, traduction cérébrale interne des langues, « pointent » directement par une relation biunivoque vers des objets du Monde Réel, à l'agnosticisme de Rastier (1991, chap. VIII ; 1994), pour qui les représentations induites par la langue ne sont pour ainsi dire que des épiphénomènes de la lecture. Il faut bien en tout cas admettre la réalité de cette propriété d'évocation, si l'on considère, comme nous le faisons, que la langue manipule et structure une substance de contenu qu'elle partage avec d'autres catégories d'expérience5. Suivant Rastier (1994), nous appelons ordre référentiel cet ordre de description des rapports entre les signes d'un texte et d'autres types d'expérience perceptive ou mentale (Rastier distingue trois autres ordres de description des signifiés : l'ordre syntagmatique, l'ordre paradigmatique et l'ordre herméneutique). Voir Référence.

Representamen (nm)

Signifiant, dans la terminologie de Peirce (objet qui tient lieu d'un autre objet).

Représentation (nf)

1. Objet (matériel) dont la fonction est de faire penser à un autre objet, le plus souvent en en imitant les proportions les plus visibles (exemples : le dessin du boeuf, la maquette en plâtre du Colisée, la tour Eiffel miniature en plastique, la statue équestre de Bonaparte ...) ; autrement dit, signifiant iconique.

2. En psychologie cognitive, « objet » mental correspondant à un objet du monde extérieur, et manipulé par la conscience dans toutes les tâches impliquant l'évocation de cet objet. La représentation mentale a un statut d'hypothèse de travail en psychologie (certaines écoles psychologiques s'en sont passées ou s'en passent fort bien), mais elle est centrale dans toutes les réflexions sur la nature symbolique de la pensée humaine. Vient en outre la question de sa possible iconicité ; cette intuition d'une sorte de « miniature mentale » trouve une certaine justification dans des résultats d'expérience, qui tendent à montrer que certaines opérations se déroulent en effet en relation avec des proportions de l'objet évoqué.

Sémantique (nf)

La sémantique est l'étude du sens des langages. C'est un mot extrêmement général puisqu'il peut s'appliquer aussi bien à des systèmes formels (comme dans la théorie des modèles de Tarski) qu'à des langues humaines. En tant que science de la langue, la sémantique s'oppose « horizontalement » à la phonologie et à la grammaire, qui étudient d'autres aspects de la langue (à savoir respectivement le système de ses sons, et le système de classification et de combinaison entre elles de ses unités lexicales)6. En tant que science du sens, elle s'oppose « verticalement » à la sémiotique ; mais la distinction est ici bien moins claire. Telle que conçue par Saussure (1916), la sémiologie est en effet une science de tous les signes « [de] la vie sociale », et doit donc englober la sémantique de la langue. Dans les travaux de l'École de Paris au contraire, la sémiotique semble bien n'être une extension, voire une spécialisation, de la sémantique. Nous faisons ici du terme sémantique un usage qui désigne une discipline descriptive des sens d'un langage donné - et qui à ce titre peut donc aussi bien s'appliquer à une image qu'à un texte linguistique -, et nous concevons donc la sémantique comme subordonnée à la sémiotique, la première discipline étant plutôt technique et la seconde plutôt théorique.

Sème (nm)

1. Chez Buyssens (1943), le sème est le modèle immanent de l'acte de communication - c'est donc le texte, mais le texte-type, qui s'oppose au texte-occurrence (que Buyssens appelle acte sémique).

2. Chez Pottier et les auteurs français postérieurs, le sème est l'atome de signification, le trait sémantique qui permet de définir une opposition élémentaire entre deux signifiés semblables par tout le reste. La « contenance » exacte de cet atome n'est bien sûr pas régulièrement déterminée par une sorte de granularité naturelle à la substance du contenu, mais dépend entièrement de la forme donnée à celle-ci par le système de signes utilisé.

Sémiologie (nf)

La théorie générale des signes a été baptisée sémiologie par Saussure, ou plus près de nous par Buyssens, Mounin, Barthes, et même encore par Eco en 68, avant que l'usage n'entérine la collision de ce terme avec celui de sémiotique, d'origine anglo-saxonne7 (Locke, Peirce) (cf. Rastier [1997], annexe). Aujourd'hui, le second terme prédomine dans ce sens. Il fallait donc que le premier se cantonne dans un sens plus spécialisé ; ce fut celui de la description spécifique de systèmes de signes particuliers (cf. Joly [1994], pp. 16--18). Comme le fait d'ailleurs remarquer Eco (1968), cet emploi est déjà contenu dans celui, plus précis, de Hjelmslev, pour qui une sémiologie est une sémiotique dont le plan du contenu est lui-même une sémiotique. Cette distinction est d'une certaine manière reflétée ici. D'une démarche plus consciente, nous avons voulu, dans l'expression « système sémiologique » par exemple, introduire entre sémiotique et sémiologique la même nuance que celle qui existe entre phonétique et phonologique (on aurait dit en anglais ``semiomics'', suivant la distinction `etic'/`emic' chère à Eco) : une nuance entre la science de la substance et celle de la forme.

Sémiologique (adj)

1. Relatif à une sémiologie (cf. ci-dessus). 2. niveau sémiologique (chez Greimas, 1966) : niveau inférieur de l'univers signifiant des langues - celui des sèmes intervenant dans les figures nucléaires -, il s'oppose au niveau sémantique, celui des classèmes (ou sèmes contextuels). Les « catégories sémiologiques » représentent pour Greimas « la contribution du monde extérieur à la naissance du sens ».

Sémiotique (nf)

Théorie des signes en général, la sémiotique a des ambitions totalitaires que n'a pas la sémantique linguistique. Pour Peirce, tout ce qui est mental est sémiotique, donc la sémiotique englobe la description de toute expérience. Or c'est encore à Peirce que se réfèrent les auteurs les plus lus dans le domaine de la sémiotique générale (Sebeok, Eco) : la sémiotique est donc pour eux une phénoménologie (voir à ce sujet Rastier[1990]) qui doit englober par exemple les indices (signes naturels). On rencontre des conceptions plus spécialisées, comme celle de Prieto et de Mounin, pour qui la sémiotique a justement pour intérêt de se consacrer à des systèmes de communication non-linguistiques, ou au contraire celle de Greimas, pour qui la sémiotique permet à la linguistique de dépasser les questions strictement grammaticales et d'aborder les structures sémantiques qui transcendent le linguistique (qu'on trouve dans l'analyse du récit, du mythe, du poème ... [Greimas, 1970, 1983]). Dans la lignée de Saussure et de Hjelmslev, nous nous intéressons ici à la possibilité d'étendre les projets de la linguistique à d'autres systèmes de signes.

Sémiotique (adj)

1. Relatif à la sémiotique (cf. ci-dessus). 2. fonction sémiotique (chez Hjelmslev [1968]) : relation entre un segment du plan de l'expression (signifiant) et un segment du plan du contenu (signifié).

Sens (nm)

Le sens d'un texte est, dans la perspective de son auteur, l'intention guidant la composition de ce texte, et, dans la perspective de son lecteur, le contenu dégagé de ce texte par une interprétation.

Il est conçu comme parfaitement possible que le sens, défini de cette manière, puisse être multiple ; que l'interprétation faite par un lecteur donne un sens qui ne coïncide pas forcément avec celui donné par l'interprétation d'un autre lecteur, et que ces deux-là ne coïncident encore pas toujours avec l'intention de l'auteur. Cette conception n'est pas si naturelle, elle est une conquête de travaux linguistiques récents : Rastier (1987, en particulier chap. VIII), souligne que les philosophies du langage, depuis l'antiquité, n'admettent la possibilité de double lecture qu'en postulant un sens premier et un sens dérivé (allégorique, figuré). La théorie du sens dérivé restait de toute façon conçue pour des cas particuliers, marginaux, et toute l'école de linguistique logique, par exemple, consacre encore ses efforts à ramener le sens à la référence, c'est-à-dire à une substance objective, extra-linguistique, qui serait le seul véritable objet du langage. Le sens s'oppose pourtant à la référence en ce qu'il est un objet linguistique, qui ne se confond pas avec sa dénotation : le flic et le policier, le maître d'Alexandre et l'élève de Platon, n'ont pas la même valeur, même s'ils peuvent désigner la même personne.

Du point de vue sémiotique, le sens, objet vivant, donné à un procès, s'oppose à la signification, statique, immanente, et contenue dans le système : le texte a un sens, mais les mots, dans le dictionnaire, n'ont qu'une signification. Ici deux conceptions s'opposent : on peut considérer que l'usage de la langue ne permet que d'additionner des significations, et considérer le sens comme une construction donnée en plus, dans un contexte donné (on confie alors à une discipline annexe, la pragmatique, le rôle de décrire les faits de contexte qui expliquent les anaphores, les allusions, les désambiguïsations ...) ; ou considérer que le sens est donné en premier, qu'il est le véritable objet de la sémiotique, celui qui peut s'apprendre, se comprendre et se transmettre, et donner à la signification un rôle second, explicatif et analytique, celui de description et d'inventaire de ce qui est commun aux différents sens que peut prendre un mot donné dans différents contextes. Cette seconde conception est naturellement adoptée par ceux qui considèrent que le texte est l'objet premier de la linguistique (Rastier) - ou, ici, de la sémiotique.

Signal (nm)

1. Signe isolé (ou plus rigoureusement texte indécomposable, et donc réduit à un seul signe) dont l'interprétation possible est par conséquent rigoureusement limitée : le signal est absent ou présent, il a été perçu ou il ne l'a pas été, et ses possibilités de signifier en sont réduites d'autant. On parle ainsi de signaux pour les signes dont la fonction est réduite à déclencher une réaction comportementale.

2. Matériau physique de la théorie de l'information - qui n'a aucune composante sémantique. Ainsi les vibrations de l'air convoyant la parole restent-elles du « signal » tant qu'elles n'ont pas été « reconnues ».

Signe (nm)

Unité sémiotique. Une abondante littérature est consacrée à cette notion dont on hésite à dire qu'elle constitue un concept tant il en a été proposé de définitions différentes (une tentative de synthèse unitaire est esquissée par Eco [1988]). Saussure a introduit en linguistique l'idée féconde d'une unité définie par ce qu'elle met en relation deux termes (n'existant eux-mêmes qu'en cette association) : un signifiant, « image acoustique », et un signifié, « concept ». Nous reprenons à notre compte (1999, chap 2) la définition analytique de Hjelmslev, qui appelle signe toute unité porteuse d'un sens, qu'elle soit simple ou complexe (i.e. les phrases sont des signes autant que les mots), mais considérée toujours comme partie d'un texte.

Signification (nf)

La signification est l'élément de contenu qu'apporte un signe donné aux textes auquel il participe. C'est une abstraction linguistique, puisque le seul contenu sémantique donné réellement est le sens des textes. Cette abstraction trouve son intérêt dans la pratique lexicographique, c'est-à-dire l'enseignement (sémasiologique) d'usages codifiés en langue.

Substance (nf)

Pour Saussure, la substance acoustique des signifiants ou la substance psychologique des signifiés s'oppose à la forme créée par leur association dans le signe linguistique. Hjelmslev, reprenant cette distinction, rejette l'idée d'une antériorité logique ou chronologique de la substance ; il met en revanche en avant le caractère extra-linguistique de celle-ci, qui permet par exemple la comparaison entre langues. Ainsi, les substances de l'expression, ou respectivement du contenu, de deux énoncés en deux langues différentes sont-elles sinon identiques, du moins comparables. Vouloir comparer les formes, en revanche, n'a aucun sens puisque les systèmes des formes sont internes aux langues (Hjelmslev, 1968, chap. 13). C'est donc la notion de substance qui fonde toute transsémiotique.

Substrat (nm) sensoriel

Espace de la perception, support phénoménologique des manifestations sémiotiques. Exemple : l'ouïe permet de percevoir les phénomènes physiques qui, étalés sur la dimension du temps, sont reconnus comme des phonèmes de la langue orale ; la vue permet de percevoir les traces d'encre qui sont reconnues comme des graphèmes de la langue écrite. Le substrat sensoriel ne se confond pas avec la modalité sémiotique : la vue permet par exemple de percevoir aussi bien les lignes d'écriture que les dessins et les schémas, qui ne relèvent pourtant pas de la même modalité.

Symbole (nm)

1. Dans l'usage habituel en Europe, le symbole est l'usage d'une unité signifiée pour faire penser à une autre unité signifiée (l'exemple canonique en est la balance pour faire penser à la justice). En ce sens, le symbole n'est pas un signe, puisque les deux termes qu'il met en relation sont de même substance, alors que le signe met en relation une unité d'expression et une unité de contenu qui ne sont absolument pas du même ordre. Hjelmslev le souligne justement pour définir par contraste le signe : les systèmes de symboles sont interprétables (puisqu'ils renvoient à quelque chose), mais ne sont pas biplans (Hjelmslev, 1968, ch. 12). Leur interprétation leur est plaquée de l'extérieur, elle ne relève pas directement de la fonction sémiotique ; en effet le symbole ne crée pas de relation nécessaire entre ses deux termes, qui existent aussi indépendamment l'un de l'autre (au contraire de l'expression et du contenu linguistique)8. Barthes (1985) résume ces caractères en disant que « dans le symbole, la représentation est analogique et inadéquate (le christianisme ``déborde'' la croix), face au signe, dans lequel la relation est immotivée et exacte (pas d'analogie entre le mot boeuf et l'image boeuf, qui est parfaitement recouverte par son relatum). ».

2. Chez Peirce au contraire, le symbole est une catégorie de signes, qui se différencie des catégories de l'icône et de l'indice en ce qu'elle regroupe les signes conventionnels, qui évoquent leur objet en vertu d'une loi.

Synchronie (nf)

Étude d'un état instantané de la langue, indépendamment de ses états antérieurs. D'après Saussure (1916, première partie, chap. 3), on peut étudier le système de la langue à un instant donné comme un tout cohérent, sans en connaître l'histoire (de la même façon qu'un joueur d'échecs peut évaluer l'intérêt d'une configuration de jeu sans rien savoir de la partie qui y a mené). La linguistique synchronique s'oppose à la linguistique diachronique ou historique.

Syntagmatique (adj)

Tout système de signes possédant une première articulation, c'est-à-dire la possibilité de combiner des signes pour créer un nouveau texte, doit le faire en déployant ses signes sur un certain espace et selon certaines règles. Cet espace de déploiement des signes peut être à une dimension, comme dans le cas de la langue, ou à deux dimensions, comme dans le cas de l'image. C'est l'espace d'agencement des syntagmes : l'espace syntagmatique. Selon Saussure (1916, 2ème partie, chap. V et VI), les signes linguistiques s'interdéfinissent dans une organisation subtile de l'axe syntagmatique et de l'axe associatif (qui sera appelé plus tard « axe paradigmatique »).

Syntagme (nm)

Assemblage de signes (sun-tag-ma : [ce qui est] rangé ensemble), disposés sur l'espace extérieur du système utilisé, selon une certaine règle prescrite par ce système, et formant une unité plus complexe. Le syntagme est lui-même encore un signe - c'est-à-dire qu'il entre dans une fonction sémiotique, et qu'il est le segment d'un texte auquel il apporte une part de sens - mais un signe complexe, décomposable en signes plus petits.

Syntaxe (nf)

Dans une perspective générative, la syntaxe est l'ensemble des procédés permettant d'assembler des signes en signes plus complexes (les syntagmes), en les disposant selon certaines règles sur l'espace extérieur du système utilisé. Dans une perspective interprétative, la syntaxe est l'ensemble des indices apportés au sens des unités par leur forme et leur agencement extérieur : grâce aux indices syntaxiques, nous comprenons Pierre bat Paul et Paul bat Pierre comme deux signifiés différents.

Système (nm) de signes

Système gouvernant la production d'un ensemble infini de textes sur le modèle d'un ensemble de textes existant. Les segments de textes existant qui sont découpés et réutilisés dans d'autres textes sont des signes. Chaque signe porte un élément de sens que l'on peut ainsi réactualiser dans autant de contextes différents. Le système de signes fournit les règles permettant d'identifier et d'isoler les signes dans les textes, les règles permettant de les composer et de les décomposer. Il n'existe que de façon immanente, les textes seuls étant actualisés : les textes sont des procès, non le système. Les langues humaines constituent par exemple autant de systèmes de signes.

Taxème (nm)

Ensemble restreint de signes s'interdéfinissant par des oppositions minimales. Le taxème reste en général de l'ordre de l'immanence, puisque chaque signe présent dans un texte a justement été choisi de préférence à tous les autres membres du même taxème - qui auraient pu éventuellement se trouver à la même place.

Texte (nm)

Ce terme courant évoque surtout l'usage de la langue écrite. Il est employé ici dans le sens plus général de manifestation d'un système sémiotique, donné et perçu comme une unité complète d'interprétation. Les unités sémiotiques plus petites (les signes) ne constituent pas une totalité et n'ont pas de sens en elles-mêmes (elles ont un sens, mais celui-ci n'est défini que dans le contexte du texte ; en elles-mêmes, elles n'ont qu'une signification). Le texte est le point de départ et le point d'arrivée de la description sémiotique. Nous suivons ici Rastier (1994) : « Les textes sont l'objet de la linguistique ».

Unité (nf) de seconde articulation

L'utilité des systèmes de signes à double articulation est de permettre la construction de tous ses signes par combinaison d'un nombre réduit d'unités discriminantes dont la fonction n'est plus de porter du sens, mais seulement de permettre la reconnaissance du signifiant9. Nous nommons unités de seconde articulation les éléments de cet ensemble restreint.

Dans le cas de la langue parlée, ces unités s'identifient avec les figures (en l'occurrence les phonèmes). Mais nous préférons ici maintenir cette notion d'unité de seconde articulation distincte de la notion de figure. Nous souhaitons en effet pouvoir définir la figure comme le segment minimal de l'espace extérieur d'un système de signes ; or dans certains systèmes de signes (comme les systèmes idéographiques « purs »), les figures peuvent encore être en nombre non-fini, et être malgré tout elles-mêmes des combinaisons d'unités plus petites en nombre fini : des combinaisons de caractères, réalisées sur le plan de l'entaxe, et non sur celui de la syntaxe.

Valeur (nf)

Saussure (1916, chap. IV, §2) a introduit l'idée que la langue « découpait » d'une manière ou d'une autre la substance du contenu en lui imposant sa forme ; ainsi l'ensemble du contenu se trouve-t-il toujours partagé entre les vocables existant, quel que soit le nombre de ceux-ci et quelle que soit leur répartition exacte10. Les contenus des mots de la langue se définissent donc les uns par rapport aux autres. Cette inter-définition, interne à la langue, détermine ce que Saussure appelle la valeur de comparaison des signes linguistiques, c'est-à-dire leur position dans le système concrétisé par tous les signes voisins. La notion de valeur de comparaison, ou plus simplement valeur, est fondatrice dans tous les travaux de sémantique structurale, où l'on s'intéresse au système de signes considéré en tant que tout cohérent, et non pas dans les relations qu'il entretient avec une réalité extra-sémiotique. C'est cette valeur que l'on décompose et que l'on exprime en sèmes chez Pottier et ses successeurs.


Notes


1
Les verbes supposent un sujet ; c'est le sens de l'axiome actiones sunt suppositorum dont se sont emparés les Modernes au XVIIe siècle pour démontrer la nécessité et la naturalité de l'ordre Sujet-Verbe (Genette, 1976, p. 188).
2
« saturer » selon Barthes (1985, §III.2.4).
3
En informatique, les concepts sont différents, et le mot langage y désigne tout autre chose : un système de symboles particulier utilisé pour représenter un modèle de comportement de la machine ; en outre, les informaticiens ayant affaire à la langue la désignent souvent par l'anglicisme «  langage naturel » (syntagme imposé à l'anglais par l'absence de deux mots distincts pour langue et langage), qui en français, dans le vocabulaire de la linguistique traditionnelle, désigne pourtant ... les langues de gestes !
4
Exemple emprunté à Rastier (1987), p. 212.
5
Il s'agit en d'autres termes de la valeur d' échange du signe saussurien (Saussure, 1916, chap. IV, §2), et non de sa valeur proprement dite, ou valeur de comparaison.
6
Ce qui n'empêche pas d'ailleurs ces disciplines d'être interdépendantes, de façon évidente tout au moins pour ce qui concerne la sémantique et la grammaire.
7
Deledalle écrit : « En bonne morale terminologique, la sémiotique est la théorie peircienne des signes et la sémiologie la théorie saussurienne des signes » (In Peirce, 1978, p. 212).
8
Pour Hjelmslev, un système de symboles est une algèbre. En cybernétique d'ailleurs, on appelle symbole une représentation manipulable d'un élément de système formel. Techniquement, les symboles informatiques sont manipulés comme des chiffres (pendant leur traitement, ils n'ont pas de sens à proprement parler : ils obéissent simplement à des lois algébriques) ; ils font en revanche l'objet d'une interprétation extérieure par les hommes qui les lisent.
9
C'est ce que Hjelmslev (1968) appelle le « passage d'un inventaire non-fini à un inventaire fini », et qui se produit, note-t-il, toujours après (dans la chronologie du processus d'analyse) le passage des unités signifiantes aux unités non-signifiantes (autrement dit, dans la plupart des langues, les monèmes sont en nombre non-fini et les phonèmes en nombre fini).
10
Les meilleures illustrations de cette idée ont été fournies par Hjelmslev (1968), avec des exemples fameux comme celui des noms de couleur en français et en kymrique, ou celui des noms du bois en danois, en français et en allemand (la frontière entre `Holz' et `Wald' est très différente de la frontière entre `bois' et `forêt' !).

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